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Au Sénégal, l’ancien parti au pouvoir se cherche une ligne et un chef

Certains ont conservé le portrait de l’ancien président Macky Sall comme photo de profil sur WhatsApp, quand d’autres ont déjà tourné la page et affichent désormais celui d’Amadou Ba, son ancien premier ministre et candidat malheureux à l’élection du 24 mars. Au Sénégal, les cadres de l’ancien pouvoir, maintenant dans l’opposition, se divisent et cela se voit.
Hier aux affaires, l’Alliance pour la République (APR) et ses alliés se cherchent une ligne politique et surtout un chef. D’autant que la perspective d’une dissolution de l’Assemblée nationale, qu’ils dominent encore, se rapproche. Selon de nombreux acteurs et observateurs politiques, les nouvelles autorités, pour se donner une majorité, pourraient convoquer des élections législatives anticipées dès septembre. « En tout cas, nous ne pouvons pas nous laisser surprendre », prévient Abdoulaye Saydou Sow, ancien ministre de l’urbanisme de Macky Sall, dont il est resté proche.
L’ancien chef de l’Etat est toujours le dirigeant de l’APR. Depuis le Maroc, où il réside depuis son départ du pouvoir, il continue de s’entretenir avec des personnalités comme le président de l’Assemblée nationale, Amadou Mame Diop, ou le président du Conseil économique, social et environnemental, Abdoulaye Daouda Diallo. « Nous vivons un moment de recomposition politique. Quand les cartes sont rebattues, on révise la stratégie commune, mais il faut aussi compter avec les ambitions de chacun », confie un proche de l’ex-président, qui voit en ce dernier « le seul à pouvoir faire taire les batailles d’ego au sein du parti qu’il a fondé ».
Cependant, pour une autre frange de l’ancien camp présidentiel, après douze ans aux commandes, Macky Sall a fait son temps. Selon eux, la défaite d’Amadou Ba, son premier ministre de 2022 à 2024, lui incombe. « Il a récolté 36 % des voix, ce n’est pas négligeable », souligne l’un de ses partisans, Abdou Latif Coulibaly, ancien ministre de la culture.
Mais Amadou Ba, réputé pour son sérieux et son profil de technocrate, est aussi connu pour sa discrétion. Il est resté réservé, voire silencieux, après avoir publié dans la foulée de sa défaite une lettre dans laquelle il assurait qu’il jouerait son rôle dans l’opposition au nouveau président, Bassirou Diomaye Faye, et à son premier ministre, Ousmane Sonko. « Amadou Ba n’est pas un tribun, il ne faut pas s’attendre à le voir galvaniser les foules. Il a d’autres qualités », dit un de ses proches.
Abdou Latif Coulibaly l’assure : « Amadou Ba est prêt. Il faut juste s’organiser et chercher les meilleures options. » Pour les trouver, des « réunions entre amis » se tiennent aux domiciles des uns et des autres depuis quelques semaines. Abdou Latif Coulibaly a quitté l’APR en juillet, quelques jours après Aliou Sall, le frère de Macky Sall, et Cheikh Oumar Anne, ancien ministre de l’enseignement supérieur. Autant de personnalités qui se disent prêtes à soutenir Amadou Ba.
Ce dernier est quant à lui toujours membre de l’APR. En attendant la création d’une nouvelle formation politique ? Cette option semble s’imposer pour le journaliste Mamoudou Ibra Kane, ancien patron du groupe E-Media Invest, qui s’est lancé en politique lors de la dernière élection et soutient désormais l’ancien premier ministre. « Il peut faire oublier les difficultés de la fin de mandat de Macky Sall et attirer à lui des libéraux et des progressistes de différents horizons », dit-il, convaincu qu’Amadou Ba peut s’affirmer en chef de file.
Pour les nouveaux opposants à Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko, la première nécessité sera de conclure ou de maintenir des alliances en cas d’élections législatives anticipées. Tout en évitant les querelles d’ego et les rivalités d’ambition. Les proches de Macky Sall tâchent ainsi de préserver leurs relations avec le Parti socialiste (PS), tandis qu’Amadou Ba, invité à une rencontre militante, a été chaleureusement applaudi, le 15 juillet, au siège de ces mêmes socialistes.
Abdoulaye Saydou Sow souligne que l’enjeu, pour la grande famille libérale et centriste, ne se résume pas aux luttes entre personnes. « L’APR, comme beaucoup de partis, a été pensé pour l’exercice du pouvoir, pas pour l’opposition. Il faudra la transformer. Nous devons aussi rajeunir nos figures et retourner aux bases militantes pour nous réapproprier des questions politiques laissées de côté », souligne l’ancien ministre de l’urbanisme.
Un calque de la stratégie des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), le parti de Bassirou Diomaye Faye et d’Ousmane Sonko, qui ont fait émerger de jeunes cadres et de nouvelles thématiques avant de conquérir le pouvoir.
Jules Crétois (Dakar, correspondance)
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